Le carrousel d'Ana ....

Ce jeu dangereux...

« Petit-déjeuner ! »

 

 

 

 

 

 

Cette phrase qui fait partie de mon quotidien a des airs banaux, sans doute. Chaque journée est une routine qui m’a conduit à des gestes regrettables. Et chaque journée commence avec ces deux mots… Où plutôt, tout commence dans l’obscurité, un réveil qui se fait dans le noir le plus silencieux, sans aucun artifice, j’ouvre les yeux, je somnole, j’attends cette phrase jetée en l’air par l’un des frères qui ouvre la porte de ma chambre à la volée. Et de crier son « petit-déjeuner » qui m’horripile, et de fermer la porte aussi sec. Il m’a toujours paru évident que si je dormais, ça ne m’aurait jamais réveillée. Je me lève quand même et une journée de torture commence. Je me prépare d’abord pour être sûre d’être seule à table quand je descendrai « manger ». J’arrive dans la cuisine, je chauffe le lait, parfois je mange le pamplemousse, parfois il finit dans les profondeurs de la poubelle, caché par des essuie-tout. Je mes le cacao dans le lait chaud et je vide le lait dans l’évier. En toute discrétion bien sûr… De toute façon je suis en retard, chez moi, ça cri, ça menace de partir sans moi, mais… quelle chance ! Il y a toujours quelqu’un pour me déposer au boulot. Je déteste le boulot. Non, je hais le boulot. Je l’ai en horreur, je ne le supporte pas, je regrette chaque minute enfermée dans ces salles avec ces gens que je hais tout autant. Je méprise les heures qui défilent, mon esprit divague, il s’évade dans la bouffe. « Combien de calories dans le pamplemousse ce matin ? - J’en suis déjà à ma quinzième pesée, je devrais réduire les quantités, ça me déprime. » Le temps passe, midi arrive. Si je rentre chez moi, je ne mange pas. Si je reste dehors, je ne mange pas. Je suis assez grosse comme ça. Après le travail, je rentre chez moi. Enfin, la torture prend fin, et laisse place à la nouvelle, la faim. Tout est toujours très bien préparé. Je sors les paquets de gâteaux, les sodas, les fromages, la bouffe la plus grasse, la plus calorique, quinze pomme tant qu’à faire, du saucisson aussi. Et je mange. Tout. Je ne laisse pas une miette. Quel goût ça a ? Aucune idée, je m’en fous. Je dois remplir ce putain d’estomac, la bouffe ça comble ma peine, ça calme les tortures de la journée. Ca fait du bien toute cette graisse qui dégouline en moi. Mais pas question de la garder, mon ventre va exploser, j’ai la nausée, le cœur qui palpite, la paupière qui s’agite. Je dois me vider de ce crime nutritif. Je me pèse, j’ai des kilos en trop sur la conscience. J’attache mes cheveux, j’enlève collier et bracelet, je lève la cuvette des toilettes, c’est comme un rituel. Deux doigts au fond de la gorge, je me trou l’œsophage, je dois tout rejeter. Dans les larmes, dans le vomi et jusque dans le sang, je tue mon corps et ça me soulage. Ca m’apprendra, fallait pas bouffer comme ça, fallait pas manger tes malheurs. « T’avais qu’à être heureuse ! » Les malheurs finiront dans les égouts et reprendront demain. Le soir tout est plus compliqué, les parents, les frères sont là. Je dois manger un peu, je ne veux pas qu’on se doute de quoique ce soit. Je cache ce que je peux dans les poches. Je suis toujours la dernière à table. Heureusement qu’on n’est pas obligés de rester jusqu’à ce que tout le monde ait fini. Je ne finis jamais. Mes journées se déroulent toujours comme ça, je déteste ma vie, la vie, je suis épuisée, sans travailler, je monte me coucher. De toute façon, je hais ce boulot, j’ai plus la force de bosser. Alors, pourquoi ? J’ai fini par vouloir guérir, un soir j’ai tout avoué.

 

 

J’ai mis des mots sur ma dépression. Je suis boulimique, je suis anorexique, je suis Bambi. Je suis trois personnes qui se combattent en moi, trois personnes qui se détestent. Deux veulent se détruire, et l’autre tente de se battre. Mais seule c’est dur. C’est le début d’un combat lent et douloureux.

 

 

 

 

 

 

 

 

(Tc)




29/05/2012
1 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 26 autres membres